Les livres sont nos amis pour la vie ♫ [Belle]

La journée était calme. Peu de clients, la paperasse à jour, tout était rangé. Archibald et Belle s'étaient mutuellement encouragés pour tout organiser dans la boutique. Ils avaient de nombreux projets - qui, Belle l'espérait, ne manquerait pas de paire à monsieur Dante - et ils s'étaient assurés qu'une fois tout en ordre, ils auraient le temps nécessaire pour mettre en place leur nouvelles résolutions.

Ce matin, Archibald laissa la boutique aux mains de Belle. Il avait le don de prévoir les activités de la journée. En somme, pas grand chose. Belle s'était installé sur un coin du comptoir, sucette à la bouche et bouquin sous les yeux. On lui avait gentiment parler de cet auteur à succès. Maxime Chattam. On lui avait vivement conseillé sa trilogie du mal. Elle avait cedé. C'était prenant mais extrêmement long. Ca lui plaisait beaucoup. Elle s'était laissé happé à coeur ouvert, tandis que régnait un vague silence serein, dans la boutique. Lorsque le carillon sonna, elle prit quelques minutes avant de s'arracher de sa lecture.

Un simple regard. Elle le reconnu assez rapidement. En posant son marque page entre les feuilles de son livres, elle le ferma. Le docteur Seeker était un homme fort charmant pour ce qu'il avait de spirituel. Belle lui offrait toujours son plus beau sourire, lorsqu'il arrivait avec sa curiosité mais, n'avait jamais vraiment osé l'aborder, ni déranger les conversations qu'il entretennait avec Archibald. Quelque part, elle lui vouait un très grand respect. Le docteur Seeker était connu - tout du moins, par son employeur - comme un homme d'une extrêmement gentillesse, d'une intelligence supérieure et d'une sagesse admirable. Cet homme l'impressionnait. Elle l'admirait de loin, sans jamais vraiment chercher à mieux l'aborder. Elle le regarda, depuis son comptoir, visiter gentiment les nouveautés, près des vitrines.

Bonjour ! Se permit-elle avec la crainte de le déranger.

Elle s'accouda sur son comptoir et élargi son sourire. Elle ne savait pas trop s'il fallait qu'elle le considère comme un client à part ou comme n'importe quelle personne, dans cette boutique. Archibald aurait sans doute maugréé qu'elle serait idiote de prendre des pincettes avec lui. Mais, elle n'en était pas sûre.

Je peux vous aider, docteur ?

Ca avait le mérite d'être clair. Timide et peut-être un peu gênée, Belle acquiesça en gardant son sourire. Un client comme un autre donc. Au moins, elle était fixée sur l'exclusivité d'Archibald. Elle alla s'en retourner à son bouquin quand il lui posa sa question. Elle soutint son regard, la plus cordiale du monde et souriante du monde.

Non, je suis navrée. Il est parti ce matin. Il reviendra sans doute ce soir, avant la fermeture. Elle hésita. Vous... Voulez peut-être que je lui laisse un message ? Ou que je lui dis que vous êtes passé ?

Etrangement, elle se sentait légèrement vexée. Elle le savait : Il n'y avait pas de raison valable à ce sentiment. Pourtant, cet homme venait régulièrement et était devenu un proche de l'employeur. Et Belle, qui était devenue une grande amie d'Archibald, elle s'attendait sans doute à un peu plus de familiarité. Ils avaient un ami commun. Elle avait l'impression d'être la simple stagiaire à qui l'on n'adressait la parole que pour demander le café. Pas assez bonne pour vous conseiller, docteur ? Il vous faut un génie en médecine moderne pour vous proposer de meilleurs ouvrages ? Elle s'énervait pour rien. Ca devait se voir à sa figure, lorsqu'elle se mit à chercher la page de son bouquin. C'était mauvais pour les affaires, il risquait de la prendre pour une petite hystérique.

Il ne t'a rien fait, Belle. Calmes-toi.

Tu parles d'un docteur. Peut-être le trouva-t-elle un peu snob parce qu'il en était à lui répondre par mono-syllabe. En fait, sans doute n'aurait-elle eut pas tant de prioris si on ne lui avait pas tant parler du personnage. Quelque part, le savoir aussi apprécier rendait son jugement manichéen. Elle décida de ne pas s'en émouvoir d'avantage. Tant pis, elle continuerait à le voir de loin sans vraiment avoir de vraie conversation. Elle lui adressa un sourire poli et retourna tranquillement à sa lecture. Penchée sur le comptoir et la tête appuyée sur sa main. Elle oublia bien vite son jugement. Jusqu'à la présence même du docteur Seeker.

Premier meurtre décris. C'était correctement détaillée pour que Belle puisse s'en faire une image fidèle d'une scène de crime horrifique. Ca lui plaisait beaucoup. Pas le sang, pas la crasse ou toutes ces choses un peu sales. Mais, elle appréciait ce sentiment de dégoût et de malaise qui la faisait sortir de son petit confort de lectrice. Elle appréciait qu'un auteur ou un artiste la malmène. Elle avait cette recherche du subversif qui la faisait chercher dans les tréfonds les plus répugnants de l'art contemplatif.

Lorsqu'elle releva les yeux en entendant la voix du docteur, elle fut surprise qu'il se soit rapproché. En vérité, elle ne l'avait pas vu venir. Ele songea encore moins qu'il vienne l'aborder. Elle regarda la couverture de son livre. Puis, le docteur.

Soudain, il lui semblait comprendre quelque chose qui lui donnait envie de rougir de honte. Cet homme n'était peut-être pas hautain. Juste, quelque part, timide et poli. Son approche était tellement bancale et maladroite, tellement évidente et gauche, qu'elle voulu en rire gentiment. Elle se contenta de sourire, sincèrement touchée. Et légèrement flattée.

L'Âme du Mal, oui. Le premier de la trilogie. On m'a fait découvrir Chattam récemment ! Je dois dire que j'adore ! Vous connaissez ? Elle avait son regard posé sur son livre. C'était plus facile et il l'intimidait. Elle ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'une personne aussi intelligente pourrait découvrir les failles de son esprit aussi aisément qu'un hipster dans une soirée BCBG. Pourtant, elle parlait avec ses mains et sans pudeur. Ses longs doigts s'agitaient nerveusement pendant qu'elle vomissait ses opinions artistiques. Il y a une véritable analyse sur la société américaine et son rapport aux tueurs en série ! Et puis, le travail de l'auteur sur la psycho-criminalité est vraiment... Elle releva les yeux et s'arrêta net. On pouvait rarement l'arrêter, lorsqu'elle commençait à parler littérature ou théâtre. Elle rit et grimaça. Je parle un peu trop, non...?

On ne lui avait pas menti. Il avait une agréable conversation. Belle ne pu s'empêcher d'énumérer tout ce qui faisait de lui un interlocuteur appréciable. Il avait du répondant, de la culture. Semblait tout aussi passionné et ne tentait pas de renchérir pour la séduire ou pour étaler sa culture (les pires). Non. C'était simple intelligent et sans jugement. Elle souriait niaisement. Les yeux grands ouverts.

Je trouve aussi... Elle ricana, un peu jaune. C'est un peu énervant ce genre d'auteur de talent. Mais, j'imagine que ses études l'ont beaucoup aidé. C'est ce que j'aime beaucoup, chez lui. Comme vous le dites, les sentiments des personnages. Et surtout le réalisme des antagonistes. Et le livre mène à une véritable réflexion. J'ai presque l'impression d'être engloutie par les événements de l'intrigue. Un peu comme si... Elle suspendit ses mains en l'air, hésitante sur ses mots. Ses yeux cherchaient en l'air. Comme si j'étais en train d'étudier les cas des tueurs, avec l'auteur lui-même ! Elle rit et soupira. Pour le moment, je ne suis pas déçue par l'auteur !

Elle pouvait se permettre d'être bavarde. Etre à l'aise et bien dans ses basques. Belle avait cette mauvaise habitude de lasser ses intelocuteurs. Les conversations d'esprit n'étaient pas monnaie courantes, à Storybrooke. Oh, non qu'elle prétendait que sa conversation était d'un génie inégalable, avec le docteur Seeker ! Non, elle ne donnait que son avis amateur et personnel. Il n'y avait rien de bien spirituel là-dedans. Quoiqu'aux oreilles de Belle, tout ce qui pouvait bien sortir de la bouche du docteur lui semblait auréolé de la lumière du savoir. Elle n'était clairement pas objective.

Alors, lorsqu'il lui conseilla le Puits, elle l'écouta d'un intérêt hypnotisé. Il avait les yeux d'un bleu électrique. C'était presque terrifiant. Elle le soutint quelques secondes avant de noter le titre et l'auteur sur un post-it.

Le Puits... Ivan... Mh mh ? Elle hochait la tête en buvant ses paroles. Elle posa son crayon et leva le visage, sans regarder le docteur. Repila, Repila... Ca me dit quelque chose.

Alors, elle abandonna son comptoir quelque secondes. Elle chercha dans la base de donnée de trouva le nom de l'auteur.

Et bien, c'est parfait ! Nous l'avons justement en rayon... Elle se pencha en avant, face à son écran et laisse quelque secondes de silence. Elle lisait. Puis, son visage s'illumina. Waouh ..! Ca a l'air... Elle rit, comme émue. Vraiment intéressant ! Je vais me laisser tenter ! Merci.

Elle revint vers lui, toujours penchée, accoudée sur le comptoir. Le regard toujours vers l'ordinateur.

C'est vrai que j'aime beaucoup ce genre de roman... Je ne supporte pas les narrations trop lisses, trop édulcorées. Elle tourna la tête et ses yeux croisèrent ceux d'Edward. Elle rit un peu. C'est amusant de voir combien ça devient de plus en plus populaire, d'ailleurs... J'imagine que sans nos amis Marc Levy et... Elle réfléchit. Enfin, on n'aurait pas toute la culture littéraire alternative !

Il lui semblait mal à l'aise. Le docteur lui laissait une étrange sensation qu'elle ne réussissait pas à expliquer et dont elle ne s'était aperçu qu'une fois qu'elle avait terminé de monologuer. Lorsqu'il lui chuchota sa confidence, elle commença lentement à sourire.

Elle n'avait tenté qu'un seul livre. Une histoire d'amour, de mont Everest et d'intrigue absolument imbitable. Tout lui avait semblé cliché, atrocement incohérent et les personnages lui avaient donné envie de tous les gifler un par un. A vrai dire, elle n'aimait pas Marc Levy. Et avait toujours considéré que le seul intérêt de ces livres étaient qu'ils avaient rehaussé les chiffres d'affaire, à la librairie. Mais, il s'agissait de ces mêmes livres à base d'histoires d'amour sans fond et sans forme qui n'étaient là que pour amener la lectrice à rêver sa vie. Belle adorait les romances. Mais, Belle avait une certaine éthique littéraire. Elle lisait toujours un artiste reconnu, pour s'en faire son idée. Mais, jamais, elle ne persistait dans la médiocrité. Ca tuait toujours son immersion.

Aussi, la confidence du docteur lui semblait relativement drôle. Elle prit cela comme il l'énonçait : Une vague plaisanterie. Pourtant, elle ne pu s'empêcher de se demander si elle ne manquait pas un peu de recul et d'ouverture d'esprit, face à sa propre critique littéraire. Si ces bouquins trouvaient un public, c'était sans doute qu'il s'agissait de sa culture qui l'empêchait de mieux les apprécier. Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de penser que ces ouvrages étaient juste mauvais. Pas différent. Pas à la marge de sa culture. Juste mauvais.

Elle rit tout de même de bon coeur.

Il parait que le plus important, c'est d'essayer ! Je devrais au moins applaudir la performance ! Je ne pense pas que j'aurais eu autant de patience que vous.

Elle se redressa pour fermer l'Âme du Mal. En le fermant, ses yeux tombèrent par hasard sur l'un des mots du chapitre. "OUTRAGE". Ca lui resta quelques secondes à l'esprit, avant qu'elle ne l'oublie.

Elle rit. La métaphore n'était pas la plus brillante qu'elle ait entendu mais, la sincérité du docteur Seeker et son regard de chérubin l'attendrissait beaucoup. Il avait quelque chose de si touchant et de sensible que quoiqu'il pusse dire, tout sonnait agréablement, de sa bouche. En le regardant, elle eut ce regard admiratif et curieux sans qu'elle ne s'en rende vraiment compte. Elle baissa les yeux et voulu répondre. Qu'il avait sans doute raison. Ou quelque chose. Mais, se contenta de quelques secondes de silence. Ses ongles tapotèrent nerveusement sur le comptoir.

Alors tout va bien ! Votre âme est sauve ! plaisanta-t-elle en redressant les yeux sur le visage d'Edward.

Elle n'arrivait pas à mettre la main dessus. Touchant, sensible, maladroit. Mais, quelque chose qui la gênait. Comme de faux. C'était cette sensation sans conséquence que quelque chose vous épie de loin, dans une maison vide et propre. Elle songea qu'il s'agissait là de l’apanage de ces personnages au passé profondément triste et qui donnait au regard une lueur sombre et mystérieuse. Comme une tâche à la bienveillance du docteur.

Pourtant, elle ne doutait absolument pas de celle-ci. Et lorsqu'il parla de cette histoire d'enfant hospitalisé, elle senti son cœur se serrer. Elle porta la main à sa poitrine, le poing serré. Elle ne put s'empêcher de grimacer.

Oh... C'est généreux de vôtre part... On a ce qu'il faut pour cet enfant ! Elle sortit de son comptoir et alla dans le rayon BD. Aujourd'hui, les enfants préfèrent les bandes-dessinés... Et il y a beaucoup d'ouvrages très intéressants pour les enfants, sans qu'ils ne soient pris pour des idiots - je déteste les oeuvre préformatées qu'on leur sert à toutes les sauces, aujourd'hui...

Elle s'engouffra entre les rayonnages et sortit quelques livres. Pirates, mousquetaires, histoires plus ou moins sanguinaires. Fallait-il qu'elle se souvienne dans lesquelles il n'y avait pas trop d'injures ou de sexe. Le tout dans l'implicite, sans que ce soit niais. Les enfants qui aimaient les pirates, ce n'étaient pas pour leur côté attachants... Elle sortie une trilogie sur Ulysse ainsi que le tome 1 d'une série sur Simbad. Elle proposa également d'autres titres un peu plus alternatifs mais, tout aussi bon. Elle les résuma, donna son avis sur ceux qu'elle avait lu et le conseilla de son mieux.

Ce sont des œuvres qui peuvent se lire enfant comme adulte. Les messages sont vraiment différents, en fonction de l'expérience et je pense qu'un enfant en garderait de très bons souvenirs ! En plus, les autres tomes sont vraiment à prix abordables, s'il désir continuer la série... Et laissa quelques secondes de silence, puis demanda : Comment il s'appelle ?

Elle sourit tristement.

Belle rit à sa blague. John un nom était assez courant, faut-il se le dire. Aussi, ne put-elle s'empêcher de sourire à l'interprétation du docteur. Ce n'était pas idiot mais, peut-être tiré par les cheveux. L'enfant devait bien avoir trouvé un seul lien avec son héros favoris. Comme tous les enfants qui s'identifient aux personnages de fictions qu'ils admirent. C'était touchant et, quelque part, émouvant. Elle baissa les yeux et haussa les sourcils, en hochant la tête.

Oui. Ca doit être ça. Elle redressa le visage. La simplicité de son âme et la beauté de son esprit lui accordait un visage paisible. Il était joli garçon.

Elle lui laissa la BD entre les mains et réfléchit quelques secondes. Roman jeunesse, il y avait ce qu'il fallait. Sur les pirates ? Sûrement. Elle pencha la tête sur le côté, toujours lumineuse et souriante.

Et bien, allons voir ça ensemble ! Se retournant d'une pirouette, ses cheveux volèrent avec elle, dans son mouvement. Une de ses mèches se coinça entre ses lèvres. Elle eut une réaction brusque en s'en débarrassant.

Elle avait la démarche assurée et aérienne. Elle était à l'aise. Elle était chez elle. Le docteur était un ami. Elle tourna dans un petit rayon. Et se pencha pour que son regard atteigne le titre des livres. Puis, s'accroupit pour être d'avantage à l'aise.

Je peux vous proposer ça... Elle attrapa un livre et le tendit au docteur, sans le regarder. Elle chercha autre chose et lui tendit un autre bouquin.

En se relevant, elle expliqua rapidement leur qualité, laissant le docteur analyser la quatrième de couverture.

Je ne connais que ces ouvrages. Ils sont très intéressants et restent assez fidèles à la piraterie de l'époque. Particulièrement sur le symbole de liberté que les pirates représentaient, pour le peuple. C'est une histoire sur le voyage initiatique d'un garçon parti à l'aventure pour devenir un homme. Et la narration y est très immersive... On ressent toute la beauté des paysages, la lourdeur de certaines traversées... Elle parlait encore avec les mains.

Elle eut un air pensif quelque secondes.

Oh ! Elle se tapa le front. Je suis bête ! Elle se retourna et sembla chercher entre les livres. Elle sorti un autre ouvrage.

Si vous voulez lui faire découvrir les grands classiques... Chuchota-t-elle en lui montrant la couverture. "L'ÎLE AU TRÉSOR".

Belle observa le docteur Seeker sans un mot. Il avait d'étranges expressions, en voyant la livre du Cas du Dr. Jekyll et Mr. Hyde. Pas vraiment le genre de réaction à laquelle elle s'attendait. Elle resta silencieuse en tentant de découvrir les raisons d'une telle fascination, pour un livre aussi commun. Puis, elle songea que ça ne la concernait sans doute pas. Elle se contenta de sourire faiblement. Lorsqu'il se tourna vers elle, elle joignit les mains devant elle et inclina respectueusement la tête.

Je vous en prie. C'est mon métier !

Elle regarda le livre du Dr. Jekyll et Mr. Hyde. Elle ne put s'empêcher de songer au titre et au prénom commun qu'avait le docteur avec le monstre du livre. Même le nom semblait jouer du jeu de mot. Elle eut un frisson d'horreur. C'était une pensée amusante mais, sans conséquence. Bien que cette ville ait faite des jeux de mots de noms des héros de son enfance une spécialité. Arthur Monmouth. Edward Seeker. Monsieur Dodgson. Si cette ville avait bien une malédiction, c'était bien celle-là : L'originalité des noms de ses habitants.

C'est un excellent livre ! Il surfe beaucoup sur la vague de romans noirs fantastiques de l'époque ! Allan Poe, Mary Shelley,... Personnellement, c'est l'un de mes livres préférés. Elle lui sourit et se tourna. Aller, je vais vous encaisser !

Elle alla s'installer derrière sa caisse et tendit le bras pour récupérer les livres et noter leur prix. Elle sembla hésiter puis, reprit soudain de l'aplomb.

Pour l'île au trésor... Je vous le laisse. Cadeau de la maison ! Archibald allait la tuer. Je ne peux pas vous faire un prix sur la BD et sur le docteur Jekyll mais... Si cela peut aider John, je veux bien vous laisser un roman.

On ne se refait pas, comme disait l'adage. De toute façon, ce n'était pas comme si elle avait beaucoup à débourser de sa poche pour combler le trou de la caisse. C'était d'avantage pour le geste que pour l'économie. Et fallait-il savoir repérer les meilleurs moments pour faire un geste commercial !

Elle fourra les livres dans un sachet et le lui tendit joyeusement. Lui offrant un sourire aussi chaleureux que celui qu'il lui avait donné, quelques minutes plus tôt.

Aussi aimable que de permettre à un enfant de mieux supporter son hospitalisation ? Cet euphémisme marquait toute l'admiration qu'avait Belle pour cet homme. Je ne sais pas. Elle se pinça timidement les lèvres et accrocha son regard.

Belle ne s'attendait peut-être pas à ça. A l'invitation. Quand elle échangea le sachet avec l'argent du docteur, elle eut un bref instant de stupéfaction. L'invitation. Ca lui semblait presque clair et limpide. Dans combien de situations similaires, Belle aurait refusé ? Est-ce pour sa gentillesse ? Son intellect ? Sa patience ? Sa bonté ? Elle appréciait beaucoup sa compagnie. Refuser serait idiot.

Et bien... Elle regarda l'heure. Oui, pourquoi pas ! Elle lui sourit. Je termine à 19h, ce soir. Et il y a un café assez sympa, à l'autre bout de la rue, si vous voulez. Nous pouvons nous retrouver là-bas ?

Elle était assez sereine et autoritaire. Qu'importait les arrières pensées. En vérité, Belle songeait qu'elle pouvait bien se permettre de se détendre un peu après le boulot. Si elle comprenait les intentions du docteur, elle était encore loin de vouloir jouer ce jeu-là avec lui. Elle le connaissait mal et elle avait sans doute fait assez de conneries, ces derniers temps, pour se contenter d'une soirée simple et amicale. Fallait-il se le dire : Belle n'avait que très peu d'amis avec qui discuter. Elle ne voulait plus se poser de question.

A ce soir, docteur ! S'exclama-t-elle, toute enthousiaste.

Son regard était lumineux. Son visage, radieux. Son attitude, enfantine. Elle lui fit coucou, à travers la vitrine. Elle était définitivement trop émotive. Il était peut-être un peu tôt pour le dire mais, elle ne pouvait s'empêcher de se le dire : Elle appréciait beaucoup le docteur Seeker. Lorsqu'il s'éloigna de la boutique, Belle se pencha sur le comptoir, s'accouda dessus et appuya sa tête sur sa main. Elle songeait déjà à ce soir. Elle songeait déjà à comment pouvait se terminer la soirée. Elle craignait voir sa conversation asséchée par l'immense culture de son interloctueur. Ces moments gênant où l'on se rend compte de la limite de ses propres références.

Elle se rendit compte qu'elle rêvait à bien trop loin. Belle se maudit d'être encore une gamine. Elle attrapa une sucette et l'enfonça entre ses dents, tandis qu'elle rouvrit son bouquin.

Le reste de la journée se déroula tranquillement. Lorsqu'Archibald revint, elle le tint au courant de tout ce qu'il s'était passé. Archibald laissa apparaître une moue surprise, lorsqu'elle annonça qu'elle allait boire un verre avec son ami. Archibald ne put s'empêcher de lâcher une cynique remarque. Belle s'en amusa. Lorsque l'heure de la fermeture arriva, Archibald renvoya Belle.

Aller, casses-toi. On s'occupera du reste demain.

Belle attrapa ses affaires et embrassa la joue de son employeur, en guise d'au revoir. Il lui souhaita une bonne soirée et Belle s'élança dans la ruelle en constatant qu'elle était déjà légèrement en retard. Tirant son sac contre elle, elle pressa légèrement le pas.